Albi : dans la manifestation contre la réforme des retraites

« Je n’ai jamais vu autant de monde à Albi » souffle Jean-Luc Rivieran, 71 ans, qui agite un énorme drapeau à l’effigie de Che Guevarra devant le cortège qui commence à se former. Cet ancien rugbyman de Gaillac assure pourtant avoir participé à toutes les manifestations dans la préfecture du Tarn « depuis mai 68 » .

Pour ce vieil habitué, 30.000 personnes « au minimum » s’apprêtent à défiler ce jeudi après-midi derrière tous les leaders nationaux des confédérations syndicales pour le 5ème acte des manifestations contre le projet de loi de réforme des retraites. Mais sans lui. Diabétique, « Bambuck » comme on le surnomme ici, a préféré se mettre en retrait avec son drapeau au moment où l’imposant cortège commence à emprunter l’interminable avenue François Verdier en direction du centre-ville.

Sur l’estafette du syndicat CGT de l’emblématique Verrerie Ouvrière d’Albi, un grand panneau réclame la retraite à 55 ans pour les salariés, au nom de la pénibilité du travail devant les fours. Philippe Martinez, le leader de la CGT, n’a pas manqué de rendre visite durant la matinée aux ouvriers de cette ancienne coopérative, jadis soutenue par Jean Jaurès. Laurent Berger, son homologue de la CFDT, est invité sur le plateau de télévision improvisé par BFM TV en plein air sur le rond-point du Séquestre, point de départ de la manifestation.

Derrière la banderole commune de l’intersyndicale, les troupes défilent chacune sous ses propres couleurs. La trentaine de poids-lourds bleus siglés Enedis mobilisés par les électriciens et gaziers de la CGT fait forte impression dans le cortège. Il y a aussi les manifestants isolés comme Isabelle, 55 ans, qui manifeste « pour la première fois depuis Charlie Hebdo ». Elle est en vacances, arrivée la veille de Paris. Sur sa pancarte improvisée, cette cadre supérieure annonce sans fard avoir été victime d’un burn-out.

« Je n’avais jamais cherché à calculer à quel âge je partirais en retraite, je me demande maintenant si je n’y arriverais pas en déambulateur, ou en fauteuil roulant », dit Isabelle. En queue de cortège, Marc Antoine est venu en tracteur. Ce paysan bio fête tout juste son 70ème anniversaire.

« 150.000 agriculteurs vont partir à la retraite ces prochaines années, mais la FNSEA qui s’inquiète de cette hémorragie continue d’inciter à l’agrandissement des exploitations », déplore ce militant de la Confédération Paysanne. Fils de républicains espagnols réfugiés en France sous la dictature de Franco, Marc Antoine n’a pas raté une manifestation dans le Tarn depuis le mois de janvier.

Vers 17h, alors que le flot des manifestants commence à refluer après une longue marche sous un soleil printanier, l’intersyndicale revendiquait la participation de 55.000 personnes. Soit davantage que la population d’Albi. La préfecture n’en a compté que 10.000.

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